Puis-je juger la culture à laquelle j'appartiens ?
2348 mots
10 pages
Dans Le crépuscule des idoles de Nietzsche on peut lire une critique sans concession de l’esprit allemand : La raide balourdise du geste intellectuel, la main lourde au toucher – cela est allemand à tel point qu’à l’étranger on le confond avec l’esprit allemand en général(…) mais cette critique acerbe n’est pas aisée (…) je ne demande pas mieux que de rendre justice aux Allemands en cela je ne voudrais pas me manquer à moi-même. (…). La charge violente à laquelle se livre Nietzsche contre sa propre culture n’est pas sans ambiguïté. Puis-je juger la culture à laquelle j’appartiens ? Quelle est la légitimité d’un tel jugement, puisqu’il pourrait sembler que je doive absolument tout ce qui me constitue et donc aussi mon esprit critique à la culture à laquelle j’appartiens. Mais surtout comment pourrais-je juger de manière objective, cette objectivité requérant une distance impossible entre le sujet que je suis et l’objet que ne peut jamais vraiment être ma culture. Aussi ne paraît-il pas impossible, que ce soit pour la décrire objectivement ou pour en déterminer la valeur de juger de sa propre culture ? Mais dans ce cas, cela revient-il à dire que nous sommes enfermées définitivement entre les murs des idéologies et valeurs et, plus grave, des préjugés et des errances contingentes de notre époque et de notre lieu de naissance ? Cela semblerait aller contre tout ce que nous enseigne l’histoire des cultures qui constamment entrent en relation, sont dans un métissage perpétuel de ce qui les constitue. Comment cet échange serait-il possible si les sujets n’étaient pas capables de prendre le moindre recul par rapport à leur propre culture ? Le sujet pose donc le problème suivant : d’un coté la possibilité d’un jugement sur ma propre culture semble se heurter à des difficultés théoriques pratiques et morales telles qu’il semble falloir renoncer à cette idée, de l’autre un tel renoncement m’interdit de comprendre la réalité des échanges entre les cultures.
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