Quand les riches se font la guerre les pauvres meurent
Un directeur d’entreprise nous rappelait récemment en séance de CHSCT : « Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une guerre économique : les salariés ne sont pas uniquement exposés aux risques professionnels du travail, ils sont également exposés au marché libre et concurrentiel », rappelant ainsi la mise en concurrence des travailleurs et leur enrôlement forcé dans une « guerre économique » supposée inévitable. Si l’on pousse la métaphore belliqueuse, on comprend que chaque travailleur est en position de combattre son ennemi (et, pourquoi pas, de le tuer), au risque d’être lui-même battu et exclu de la compétition. Il y aurait nécessairement des gagnants et des perdants, on y reconnaitrait les forts et les faibles[12]. Dans une guerre, la fin justifie les moyens : on n’en exclut ni les victimes sacrifiées, ni les pratiques déloyales, ni la justification de l’injustifiable.
Or, qui sont ces concurrents à combattre ? Qui sont, précisément, ces ennemis virtualisés à abattre ? Personne d’autre que son collègue, son voisin travaillant dans l’entreprise concurrente, le salarié travaillant dans une entreprise sous-traitante, l’asiatique plus lointain mais tout aussi présent, et, bien-sûr, le chômeur à l’affût (« ne vous plaignez pas, beaucoup attendent à la porte »).
Bien entendu, céder au discours de la « guerre économique » consisterait à se tromper d’ennemi. Dans cette guerre détournée, qui est avant tout celle du capital contre le travail[13], les seuls vrais vainqueurs sont ceux qui en tirent un dividende, les victimes sont ceux qui souffrent dans leur travail. L’idéologie belliqueuse vient alors heurter, au sein même du quotidien de travail, les valeurs de citoyenneté, de solidarité, de bien commun tout en nourrissant des violences au travail, en insécurisant les salariés par la peur et en justifiant la performance du travail sans limite et à tout prix.
En effet, le