Question sur corpus : Camus / Flaubert / Bernanos
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Dans L’Homme révolté, un essai publié en 1951, l’écrivain Albert Camus expose sa théorie sur le monde romanesque et son rapport au réel, s’intéressant notamment au statut des personnages. Avec celui-ci, deux autres textes composent notre corpus : le premier est issu du chapitre VIII de Madame Bovary de Gustave Flaubert, roman publié en 1857, le second est l’incipit du roman Madame Dargent de Georges Bernanos, publié en 1922. Ces deux passages ont la particularité de représenter les héroïnes éponymes en train de lutter contre la mort, chacune en présence de son mari. Or, l’idée développée par Camus est que le monde romanesque, s’il prend modèle sur le monde réel (qu’il ne cherche pas à embellir ou idéaliser), lui apporte cependant une « correction », dans la mesure où il permet au lecteur de prendre du recul par rapport à son expérience du monde. Dans le roman, selon lui, « toute vie prend le visage du destin », c’est-à-dire que le personnage de roman, parce qu’il est fictif, peut s’inscrire dans une trajectoire claire et lisible, tandis que l’être humain réel vit dans une forme de chaos qui l’empêche de saisir pleinement le sens de son existence. Par conséquent, dans quelle mesure les récits de la mort d’Emma Bovary et de la mort de Madame Dargent permettent-ils de donner un sens aux destinées humaines ? En quoi illustrent-ils la thèse d’Albert Camus dans L’Homme révolté ? Le dispositif commun entre les deux romans, qui placent chacun le personnage du mari en position d’observateur et d’interprète de la mort de l’héroïne, permet, pour commencer, d’instaurer une première distance entre le lecteur et l’expérience de mort auquel il est confronté. Parce qu’il ignore que son épouse s’est empoisonnée, Charles Bovary, par la succession des étonnements qui le frappent (signalés par des tournures exclamatives, comme « C’est extraordinaire, c’est singulier ! ») et des questions qui le traversent (par exemple : « Qu’as-tu donc ? », « Que dis-tu ? » ou « qu’as-tu mangé ?