Réussir la transition démocratique au maroc
Réussir la transition démocratique au Maroc
L’ALTERNANCE politique est une réalité au Maroc. Après plus de trente ans de régime conservateur caractérisé par de fréquentes et féroces répressions contre les forces progressistes, le gouvernement de coalition que préside M. Abderrahman Youssoufi, chef de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), marque une importante rupture. Même si sa marge de manoeuvre paraît étroite (plusieurs ministères de premier plan restent directement contrôlés par le Palais) l’espoir est immense de voir enfin les choses changer dans un pays où les inégalités demeurent abyssales.
PAR REMY LEVEAU
Dans la tradition politique du Maroc, l’idée de « pacte national » évoque l’alliance conclue entre la monarchie et le parti de l’Istiqlal (droite nationaliste) à partir de 1943, après la conférence d’Anfa (1), pour oeuvrer au démantèlement du protectorat sur ce pays, chaque partenaire gardant son autonomie et agissant suivant ses moyens propres.
Au lendemain de l’indépendance, acquise le 3 mars 1956, le pacte fut remis en cause par ceux qui, au sein du Mouvement national (regroupement des partis ayant combattu pour l’indépendance), croyaient facile - à l’instar de ce qui s’était produit en Egypte, en Irak, en Tunisie ou au Yémen - de mettre à l’écart la monarchie, et de gouverner sous l’autorité d’un parti unique s’appuyant sur la classe moyenne urbaine. La monarchie répliqua en reprenant directement le contrôle du gouvernement dès mai 1960 et, après le décès de Mohamed V en 1961, passa une alliance avec les notables ruraux qui assurèrent le succès du référendum constitutionnel de décembre 1962 et des élections législatives (plus controversées) d’avril 1963.
Le nouveau monarque, Hassan II, accorda aussi une place croissante dans le gouvernement à une armée qui s’imposait comme garante du nouvel équilibre, réprimant les émeutes urbaines (en particulier celle de Casablanca, en mars 1965),