Scène finale (ou le duo Tueur/Bérenger) dans Tueur Sans Gages d'Eugène Ionesco
"Finalement, il (Bérenger) avancera avec précaution, regardant de tous les côtés ; pourtant, vers la fin de l'acte, lorsque le dernier personnage de cette pièce fera son apparition, - ou se fera d'abord entendre, ou se fera entendre en même temps qu'il apparaîtra - Bérenger devra être pris au dépourvu: Ce personnage devra donc apparaître au moment où Bérenger regardera d'un autre côté. D'autre part, l'apparition du personnage devra être préparée par Bérenger lui-même : On devra sentir la proximité de sa présence par la montée même de l'angoisse de Bérenger."
C'est en effet quand son angoisse sera à son comble qu'il décidera de revenir sur ses pas, même si cela peut permettre au Tueur de faire de nouvelles victimes, et c'est alors que le criminel sera devant lui. Le lien entre la montée de l'angoisse et la sensation de proximité du Tueur montre à quel point ces deux sentiments dépendent l'un de l'autre, de sorte que l'assassin paraît jaillir de l'agressivité du héros. Le Tueur semble né de Bérenger, c'est pourquoi il n'a pas pu le voir arriver, car il était précisément dans le seul endroit que sa bonne âme lui présentait comme vierge de toute impureté : son être propre. Le Tueur est l'incarnation de sa frayeur dans cette solitude qui, dans la sécurité, se métamorphose en agressivité. N'ayant plus personne d'autre que lui à écraser, les pulsions que Bérenger va ressentir, et dont il ne va plus être le maître, vont se retourner contre lui :
"- Bérenger : (L'assassin ricane, hausse à peine les épaules ; il est tout près de Bérenger ; Bérenger doit paraître non seulement plus grand, mais aussi beaucoup plus vigoureux que le tueur presque nain. Bérenger éclate d'un rire nerveux) Oh, mais vous êtes bien chétif, trop chétif pour un criminel, mon pauvre