Simmel
L'image des choses extérieures comporte pour nous cette ambiguïté que tout, dans cette nature extérieure, peut aussi bien passer pour relié que pour séparé. Les conversions ininterrompues tant des substances que des énergies mettent chaque objet en rapport avec chaque autre, et constituent un cosmos de tous les détails. Mais ces mêmes objets, d'un autre côté, restent voués à l'impitoyable extériorité spatiale, aucun fragment de matière ne peut avoir de lieu commun avec un autre, il n'y a pas de réelle unité du multiple au sein de l'espace. Et l'existence naturelle, en revendiquant ainsi de manière égale des notions qui s'excluent, paraît se soustraire purement et simplement à leur application. C'est à l'homme seul qu'il est donné, face à la nature, de lier et de délier, selon ce mode spécial que l'un suppose toujours l'autre. En extrayant deux objets naturels de leur site tranquille pour les dire « séparés », nous les référons déjà l'un à l'autre dans notre conscience, nous les détachons ensemble de ce qui s'intercalait entre eux. Et inversement, nous sentons raccordé ce que nous avons, d'une quelconque manière, commencé par isoler respectivement ; il faut d'abord que les choses soient les unes hors des autres pour être ensuite les unes avec les autres. Il serait absurde, pratiquement et logiquement, de relier ce qui n'était pas séparé, voire ce qui, en un sens, ne reste pas séparé. La formule selon laquelle se conjuguent, dans les opérations humaines, ces deux activités — est-ce l'état de liaison ou I'état de scission qui est ressenti comme naturellement donné, et leur contraire à chaque fois comme la tâche qui nous est fixée ? — cette formule, donc, articule tout notre faire. Dans un sens immédiat aussi bien que symbolique, et corporel aussi bien que spirituel, nous sommes à chaque instant ceux