STYLE MEIRIEU
Philippe MEIRIEU
Afin de comprendre ce qu'il est possible d'attendre du travail en équipes des élèves et de se demander quelles sont les conditions qui permettent d'en espérer la meilleure efficacité, il convient de rappeler d'abord une distinction fondatrice de bien des questions pédagogiques et tout à fait déterminante dans le traitement de cette question particulière : la distinction entre la tâche et l'objectif. Je n'entends pas ici le terme d'
« objectif » dans le sens technique qui lui a été donné dans le cadre de ce que l'on a nommé « la pédagogie par objectifs » (et qui renvoie à un comportement observable, annoncé à l'avance aux élèves comme la performance à atteindre, et situé dans une progression taxonomique rigoureuse) ; disons simplement que l'objectif est ce que l'enseignant veut faire acquérir à chaque élève dans le cadre d'une situation d'apprentissage qu'il met en place ; cette acquisition n'est intéressante, évidemment, que si elle est durable, c'est-à-dire si elle dépasse le stade de la simple capacité à reproduire à court terme un savoir-faire purement scolaire ; en ce sens un
« objectif » est une acquisition mentale stabilisée et qui peut être utilisée par la personne qui l'a atteint, à sa propre initiative et dans un autre contexte que celui de l'apprentissage. On voit donc qu'ici ce qui caractérise un objectif, c'est que son acquisition est en elle-même absolument invisible et que l'on peut simplement inférer de celle-ci à travers des comportements, des exercices ou des tâches... mais sans jamais avoir la certitude absolue que les performances accomplies ne sont pas attribuables à une conjoncture particulièrement favorable ou à une habileté acquise de manière tout à fait fugace. Les objectifs que nous visons sont donc, par définition, invisibles puisqu'ils renvoient à l'univers du mental qui est absolument - et heureusement! - impénétrable. Les seules choses que nous voyons, en réalité, ce sont les