Tahar ben jelloun
Mémoire secondaire
PASTICHE DE T. BEN JELLOUN La nuit du désert
Les voilà tous les deux dans le silence de leurs fumées de kif respectives, qui embaument la pièce jusqu’à froisser le jour qui pénètre par la fenêtre. Déjà ils ont dit ce que fut le travail, la prière et la terre promise pour eux dans le négoce. Et pour franchir jusqu’à l’oubli, ils se laissent investir par les images passées de la fumée, qui couvre d’une joie froide leur cœur. Le plus vieux est tourné vers le dernier rayon du jour, du bout des doigts touchant la pointe de sa moustache. Et c’est à cette heure que peut se dérouler lentement la parole, se délier calmement la langue pour rappeler, et c’est ainsi, qu’autrefois est bien révolu, qu’aujourd’hui ne brille pas d’un feu si puissant qu’hier. Après la gorgée de thé, c’est sur le ton du conte que le plus vieux, le plus fatigué de la vie aussi, entame son récit, mi-récité, mi-inventé, ressorti de quelque lampe que les siècles ne peuvent plus frotter qu’à peine.
Le désert est hermaphrodite, chaque dune est un pénis dressé avec orgueil, lieu que refuse le scorpion car il y fait trop chaud le jour, trop froid la nuit. Les creux, les sillons fendus font des raies dans la chair et leur franchissement, l’un après l’autre, nous fait entrer dans le corps de femmes, l’une après l’autre, sans pour autant s’y arrêter. Le désert est morne, un silence le traverse et c’est un frisson sur la peau à chaque fois. Des caravanes ont mille fois, sans arrêter leur périple, cheminé sur l’aridité mystérieuse et sans fin. Avançant guidés par l’étoile, les jeux du soleil. Parfois, c’est une oasis, la demeure cachée, le lieu interdit et du repos, sur lequel viennent se repaître troupeaux et nomades. Certains portent encore l’odeur macérée de la ville, et ils sautent dans les puits sans fond pour oublier leur honte. Ils font des feux ensuite pour préparer le combat contre la nuit, qui apporte dans la