Texte de francais
Dans La Sorcière, Jules Michelet montre la crainte que la femme a pu susciter dans les périodes noires du Moyen Âge - peur que révèlent les procès en sorcellerie. Il raconte notamment l’affaire des possédées de Loudun, dans le Poitou, au début du XVIIe siècle : le prêtre Urbain Grandier, bel homme libertin, fut accusé d'envoûtement par des religieuses hystériques, sans doute manipulées par des moines et des maris jaloux. Richelieu confie au juge Laubardemont la conduite du procès, pendant lequel des tortures sont infligées au prêtre.
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(…) Laubardemont arrive le 6 décembre 1633. Avec lui la terreur. Pouvoir illimité. C'est le roi en personne. Toute la force du royaume, une horrible massue, pour écraser une mouche. Les magistrats furent indignés, le lieutenant civil avertit Grandier qu'il l'arrêterait le lendemain. Il n'en tint compte et se fit arrêter. Enlevé à l'instant, sans forme de procès, mis aux cachots d'Angers. Puis ramené, jeté où ? Dans la maison et dans la chambre d'un de ses ennemis qui en fait murer les fenêtres pour qu'il étouffe. L'exécrable examen qu'on fait sur le corps du sorcier en lui enfonçant des aiguilles pour trouver la marque du Diable 1 est fait par les mains mêmes de ses accusateurs, qui prennent sur lui d'avance leur vengeance préalable, l'avant-goût du supplice ! On le traîne aux églises en face de ces filles, à qui Laubardemont a rendu la parole. Il trouve des bacchantes2 que l'apothicaire condamné3 soûlait de ses breuvages, les jetant en de telles furies, qu'un jour Grandier fut près de périr sous leurs ongles. Ne pouvant imiter l'éloquence de la possédée de Marseille4, elles suppléaient par le cynisme. Spectacle hideux ! des filles, abusant des prétendus diables, pour lâcher devant le public la bonde à la furie des sens 5 ! C'est justement ce qui grossissait l'auditoire. On venait ouïr là, de la bouche des femmes, ce qu'aucune n'osa dire jamais. Le ridicule,