Texte de l'abbaye de thèleme
Aux côtés de Gargantua, on rencontre un certain nombre de personnages hauts en couleurs. Parmi eux, la célèbre figure de frère Jean des Entommeures, moine combattant, qui interprète dans un sens très particulier les divers points de la règle monastique. Au chapitre LVII, avant dernier chapitre du livre, Gargantua veut offrir à son ami une abbaye à son gré. Frère Jean refuse les institutions existantes et fonde l’abbaye de Thélème, utopie humaniste, qui prend le contre-pied de toutes les règles monastiques établies.
Toute leur vie était employée, non par des lois, statuts ou règles, mais selon leur vouloir et franc-arbitre. Se levaient du lit quand bon leur semblaient, buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand leur désir venait. Nul ne les éveillait, nul ne les par forçait n à boire, ni à manger ni à faire chose autre quelconque Ainsi l’avait établi Gargantua. En leur règle n’était que cette clause:
FAIS CE QUE VOUDRAS,
parce que gens libères, bien nés, bien instruits, conversant en compagnies honnêtes, ont par nature un instinct et aiguillon qui toujours les pousse à faits vertueux et retire de vice, lequel ils nommaient honneur. Iceux, quand par vile subjection et contrainte sont déprimés et asservis, détournent la noble affection, par laquelle à vertu franchement tendaient, à déposer et enfreindre ce joug de servitude, car nous entreprenons toujours choses défendues et convoitons ce qui nous est dénié.
Par cette liberté, entrèrent en louable émulation de faire tous ce qu’à un seul voyaient plaire. Si quelqu’un ou quelqu’une disait: « Buvons », tous buvaient. Si disait: « Jouons », tous jouaient. Si disait: « Allons à l’ébat ès champs », tous y allaient. Si c’était pour voler ou chasser, les dames, montées sur belles haquenées, avec leur palefroi gourrier, sur le poing mignonnement engantelé portaient chacune ou un épervier, ou un laneret, ou un émerillon; les hommes portaient les autres oiseaux.
Tant noblement