Theatre et politique
Carole Talon-Hugon
p. 9-12
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1Jusqu’au xixe siècle l’art a toujours entretenu avec le politique des relations complexes et avouées (art au service du Prince, mécénat soutenant la création, etc.). Sur le plan théorique, que l’on pense, comme Schiller, l’art par essence favorable au lien social, ou, comme Platon au livre II de La République, dangereux pour la Cité, on ne met pas en doute que l’art puisse être évalué en fonction d’un but ou d’une fonction extrinsèques. Cependant, depuis la fin du xixe, les théories de l’art pour l’art, relayées par les formalismes modernistes, affirment que l’art véritable ne doit se préoccuper que de questions qui le concernent intrinsèquement en tant que peinture, sculpture ou littérature, et non de buts politiques hétéronomes ; la théorie de l’art pour l’art relayée par les formalismes modernistes affirme qu’il ne tire sa légitimité que de lui-même. Le xxe siècle a été marqué par la tension entre cette conception formaliste de l’art et l’idée contraire d’un art politiquement engagé que dit bien le terme d’avant-garde. Quel bilan pouvons-nous faire aujourd’hui des prétentions politiques des avant-gardes artistiques ? En quoi leurs formes d’engagement se distinguent-elles des figures classiques de la glorification, de la dénonciation et de l’injonction ? Peuvent-elles prétendre à une efficacité supérieure ? La conquête par l’art de son autonomie et de son autotélie au cours de la modernité rend-elle la poursuite d’un but hétéronome contradictoire ? Plus généralement, à quelles conditions les visées politiques de l’art ne sont-elles pas chimériques ? Faut-il penser qu’au-delà des intentions explicites des artistes, l’art en tant qu’art a partie liée à la démocratie ?
2Où en sommes-nous, au début de ce xixe siècle, de ces questions ? Tel est le dossier que se propose d’instruire ce numéro de Noesis.
3Il s’ouvre sur quatre analyses critiques de formes