Théorie sur l'artiste et le savant
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Pourtant, si l'on s'efforce d'approcher non seulement l'origine, mais encore les buts et les moyens qui fondent et développent ces attitudes, les choses ne sont pas aussi simples. Le philosophe, l'artiste et le savant ne sont pas seulement, comme on dit, des tempéraments, retenus, l'un par la méditation à fleur d'objet, le second par l'activité imageante, le troisième enfin appliqué à quelque manipulation avisée. Malgré ce qu'il peut y avoir de vrai dans ces indications, on ne saurait admettre aussi vite qu'une certaine inclination suffise à déterminer un type humain et, surtout, rende compte de l'énorme quantité d'ouvrages que les hommes conservent, dans lesquels ils se reconnaissent parce qu'ils y forment leur propre image et qui sont dûs justement à la fois aux philosophes, aux artistes et aux savants. Or ces ouvrages, à eux tous, portent la même marque, contribuent au même savoir, à la conscience du même pouvoir, à l'élaboration d'une même conception de cette humanité où l'on trouve encore - personne n'en doute - d'autres types d'activité, finissant toutes par concourir à une même affirmation de l'espèce.L'histoire nous apprend que la philosophie a donné naissance aux diverses sciences, pour autant qu'elle se proposait de se réaliser comme science de l'univers. Les physiologues de l'ancienne Grèce sont les ancêtres des savants actuels. Mais la philosophie n'est pas seule à revendiquer cette parenté. Elle-même fut longtemps mêlée à la religion, contribuant à scruter la poésie des mythes primitifs. Et l'artiste, qui ne se connaissait peut-être pas encore comme tel, produisait alors au-dehors les témoignages de « cet autre monde qui est l'homme » (pour parler comme Rabelais) en inventant les formes diverses d'un langage efficace, que le philosophe devait, comme le savant, prendre un jour pour objet d'étude. Pourtant c'est encore simultanément que philosophes, artistes et savants existent, c'est-à-dire coexistent,