Tjetjetj
1) un récit anecdotique :
Ce texte nous présente les pérégrinations («s’est mise en route, vont à pied, le long», voire «promenant, passer, voyageurs, est ouvert, futures»), sans but évident, de bohémiens. Le texte commence de façon obscure : nous découvrons que le terme «tribu» concerne, vu la fin du premier quatrain, les femmes, ce qui permet de comprendre à posteriori l’abscons «prophétique» : il s’agit de l’activité bien connue des… gitanes : diseuses de bonne aventure, les chiromanciennes, activité facilitée par l’habitude de porter leur progéniture, comme encore dans certains pays sous-développés, sur leur «dos». Ces dernières nous sont donc présentées en un alexandrin, comme leurs seins nourriciers le seront, de façon aussi maniérée, au v. 4, en en perdant toute connotation sensuelle ou esthétique («pendantes»). Ce texte se présente comme la description d’un événement récent : «hier» au début du vers, en hiatus interne, avec le sens de résultat présent de l’action passée du passé composé : «s’est mise en route», les deux e muets incarnant ce départ, les sifflantes, les occlusives labiales et dentales exprimant le travail demandé par une telle migration : «tribu». La présence des enfants sur le dos des mères implique celle, avec un abus de langage, par métonymie, de «la tribu+, en fait les femmes de la tribu, avec le singulier qui en devient déconcertant : «son dos». La voracité des bébés-enfants, - car dans certains peuples, la nutrition des enfants par leur mère peut aller jusqu’à la quatrième année - est incarnée par le hiatus à la césure à l’hémistiche du vers 3, ainsi que par l’enjambement et le terme : «appétits» au pluriel. En fait, Baudelaire ne cherche pas ici la cohérence logique («tribu, petits, dos» au singulier, «appétits» au pluriel, le collectif : «trésor»), mais la puissance de l’émotion due à deux images banales, quotidiennes après l’effet, comme un éclair fugace, des «prunelles ardentes» : des mères avec leur enfant,