Torchecul bakhtine
L'ANALYSE DE BAKHTINE SUR LE CHAPITRE 13
L'orientation vers le bas est propre à toutes les formes de la liesse populaire et du réalisme grotesque. En bas, à l'envers, le devant-derrière : tel est le mouvement qui marque toutes ces formes. Elles se précipitent toutes vers le bas, se retournent et se placent sur la tête, mettant le haut à la place du bas, le derrière à celle du devant, aussi bien sur le plan de l'espace réel que sur celui de la métaphore [...]. Le rabaissement est enfin le principe artistique essentiel du réalisme grotesque : toutes les choses sacrées et élevées y sont réinterprétées sur le plan matériel et corporel. Nous avons parlé de la balançoire grotesque qui fond le ciel et la terre dans son vertigineux mouvement ; toutefois l'accent y est mis moins sur l'ascension que sur la chute, c'est le ciel qui descend dans la terre et non l'inverse [...]. Transformer un objet en torchecul, c'est avant tout le rabaisser, le détrôner, l'anéantir. Les formules injurieuses du genre de « comme torchecul », « je n'en voudrais pas mème pour torchecul » (qui sont fort nombreuses), sont couramment employées dans les langues modernes, mais elles n'ont conservé que l'aspect dénigrant, détrônant et destructeur [...]. Si nous examinons de près la liste des torcheculs, nous nous apercevrons que le choix des objets n'est pas aussi fortuit qu'on pourrait le croire, qu'il est dicté par une logique, assez insolite à la vérité. Les cinq premiers torcheculs — le cachelet, le chapron, le cache-coul, les aureillettes, le bonnet de page — servent à couvrir le visage et la tête, ou haut du corps. L'usage de torchecul qui en est fait équivaut à une vraie permutation du haut et du bas. Le corps fait la galipette. Le corps fait la roue. Ces cinq torcheculs entrent dans le vaste cercle des motifs et images évoquant le remplacement du visage par le derrière, du haut par le bas. Le derrière, c'est « l'inverse du visage », le « visage à l'envers ». [...] Le mouvement de