Un amour de swann, role de l'art
Tout au long d’Un amour de Swann, Proust insiste lourdement sur cette « disposition particulière » que Swann « avait toujours eue à chercher des analogies entre les êtres vivants et les portraits des musées » (p.180) ainsi qu’ « à retrouver dans la peinture des maîtres non pas seulement les caractères généraux de la réalité qui nous entoure, mais ce qui semble au contraire le moins susceptible de généralité » (p.53). Par exemple, durant la soirée de Mme de Sainte-Euverte, les domestiques qui se succèdent tels des tableaux dans un musée sont assimilés et comparés à la peinture de Mantoue, au Maître Albert Durer, « aux tableaux les plus tumultueux de Mantegna », « au retable de San Zeno » et également « aux fresques des Eremitani » (p.180). De même, il retrouve dans les tableaux du Louvre les personnages qui l’entourent : dans un Ghirlandajo, il voit M. de Palancy, dans un Tintoret, le docteur Boulbon et dans un Rizzo, son cocher Rémi (p.53).
L’ensemble de l’espace familier de Swann est contaminé par l’art. Cette contamination déforme également sa vie et son regard critique sur la société. Proust le signale à plusieurs reprises : les Cottard sont habitués à une « école de peinture à travers laquelle ils voient dans la rue même les êtres vivants », de même que Swann voit le monde comme l’ont vu les peintres qu’il aime. Ainsi, ce dernier assimile Odette à la figure de Zéphora de Botticelli engendrant la naissance d’un amour aussi passionné que déraisonné. Le regard de Swann n’est pas celui d’un artiste, car il s’applique, avec la rigidité d’une mécanique, à ce qui est déjà connu. Cela, il ne débouche sur rien de concret. En effet, son étude de Vermeer, abandonnée puis reprise, ne verra jamais le jour. Swann est donc un artiste raté, car stérile. De plus, il recherche, dans la tradition de l’hypocrisie, à parer du prestige de l’art ce qui en est indigne. Ainsi, à travers l’utilisation de l’art, Swann idéalise le personnage d’Odette à la «