un bon poète n'est plus pas utile à l'état qu'un bon joueur de quilles.
C'est cette ambivalence qui explique les différentes fonctions que le poète a pu se voir attribuer, ou revendiquer lui-même :
• Le poète prend en charge l'Histoire d'un peuple, ou les grands événements qui l'ont marquée, et il les porte par sa voix. Il les fait résonner, les magnifie grâce à l'ornement poétique, et les transmet : la poésie est alors du registre épique (Ronsard, La Franciade).
• À l'opposé de cette fonction par laquelle le poète s'unit à toute une société, un autre rôle lui fait dire les mouvements les plus intimes du cœur.
Dans ce cas, le poète n'est plus l'interprète d'un groupe : il cherche par son lyrisme à exprimer les sentiments et émotions qui l'étreignent (Ronsard, Sonnets pour Hélène).
Cependant, en étant ainsi profondément personnel, le poète se fait proche de chacun : en effet, le lyrisme de l'auteur renvoie le lecteur à ses propres expériences et sensations.
Les Romantiques ont particulièrement revendiqué cette facette de la poésie : Lamartine affirme ainsi avoir remplacé « les cordes de la lyre par les fibres mêmes du cœur de l'homme ». Pour ces poètes du xixe siècle, les sentiments (dont la souffrance) sont essentiels, et les règles de l'écriture poétique doivent s'assouplir pour permettre l'expression vraie de ce qui est ressenti.
• Mais si le poète est proche de chacun lorsqu'il exprime ainsi ses émotions, il est en même temps différent des autres : parce qu'il est capable d'écouter les mouvements de son cœur, parce qu'il cherche à traduire ce qu'il éprouve, parce qu'il