Version n°3

Je devais trouver un travail, désormais ma vie en dépendait, et j'étais tellement anxieux que j'acceptais la première offre, un poste de portier dans une boutique de vêtements proposant des articles bons marchés aux Nègres, sur crédit. La boutique était tout le temps bondée d'hommes et de femmes noirs fouillant dans le tas de costumes et de robes pas chers. Et ils payaient, peu importe le prix que le Blanc demandait. Le patron, son fils, et le vendeur traitaient les Noirs ouvertement avec mépris, les poussant, leur donnant des coups de pied, ou les giflant.
Un matin, alors que je polissais le cuivre sur l'avant de la porte, le patron et son fils roulaient en voiture. Une femme noire effrayée était assise entre eux. Ils descendirent et la firent entrer dans la boutique en la trainant et en lui donnant des coups de pied. Des Blancs passaient et regardaient, sans expression. Un policier blanc à l'angle de la rue regardait la scène, il faisait tournoyer sa matraque ; mais ne fit aucun geste. Avec attention, je regardais ce qui se passait du coin de l'œil, mais à aucun moment je n'ai relâché le mouvement de mon chamois sur le cuivre. Après quelques instants, j'entendis des cris perçants venant de l'arrière-boutique. Plus tard, la femme sortit, titubant, saignant, pleurant, tenant son ventre, ses vêtements étaient déchirés.
Lorsqu'elle arriva au trottoir, le policier l'approcha et lui saisit le bras, l'accusant d'être ivre, il appela un fourgon cellulaire et l'emmena.
Alors que je rentrais dans l'arrière-boutique, le patron et son fils se lavaient les mains dans l'évier. Ils me regardèrent et se mirent à rire, gênés. Le sol était ensanglanté, des mèches de cheveux et des morceaux de vêtements jonchaient par terre. L'expression sur mon visage avait dû refléter mon choc, puisque le patron me donna une tape dans le dos, comme pour me rassurer.
<< Mon garçon, c'est ce qu'on fait aux Nègres qui ne payent pas leur facture, dit-il. >>