Vie d'héliogabale
Aelius Lampridius
I. Jamais je n’aurais pu me décider à écrire la vie d’Héliogabale Antonin, qui fut aussi appelé Varius, et à faire connaître au monde que les Romains ont eu pour prince un pareil monstre, si déjà avant lui ce même empire n’avait eu les Caligula, les Néron et les Vitellius. Mais puisque la même terre produit le poison qui tue et le blé qui fait vivre, offre le remède à côté du mal, et donne naissance au serpent et à la cigogne, le lecteur attentif établira dans son esprit la compensation, puisque, pour opposer à de si monstrueux tyrans, il a pu voir Auguste, Vespasien, Titus, Trajan, Adrien, Antonin le Pieux, Marc-Aurèle. Il comprendra en même temps quels furent les jugements des Romains ; les bons empereurs ont régné longtemps et n’ont été enlevés au monde que par la mort naturelle : tandis que les autres furent tués, traînés ignominieusement, flétris comme tyrans : leurs noms même ne se prononcent qu’à regret. Ainsi, après la mort violente de Macrin et de son fils Diadumène, qui partageait l’empire avec lui, et avait reçu le nom d’Antonin, le pouvoir fut déféré à Varius Héliogabale, parce qu’il passait pour être fils de Bassianus. Cet Héliogabale fut prêtre de Jupiter ou du Soleil, et s’était arrogé le nom d’Antonin, soit comme une preuve qu’il était issu de cette famille, soit parce qu’il savait que ce nom était tellement cher aux peuples que Bassien même, le parricide était aimé, à cause de ce nom. Il fut d’abord appelé Varius, puis Héliogabale, comme prêtre du dieu Héliogabale dont il avait apporté le culte avec lui de Syrie, et auquel il éleva un temple dans Rome à l’endroit même où l’on voyait auparavant la chapelle de Pluton. Enfin, à son avènement au trône, il se fit appeler Antonin, et il fut le dernier empereur de ce nom.
Il. Il fut tellement dévoué à Semiamira sa mère, qu’il ne fit rien dans la république sans la consulter, tandis qu’elle, vivant en courtisane, s’abandonnait dans le palais à toutes