Vivre et mourir
Ce texte provient de l’édition de 1891 publiée par E. Dentu à la Librairie de la Société des Gens de Lettres, dans une traduction de Paul Rey qui a été pour l’essentiel maintenue. Néanmoins, quelques éléments ont été remaniés quand il est apparu que le traducteur du siècle passé avait introduit des images ou références que le lecteur moderne comprendrait mal ; par exemple, pour invoquer la folie et les maisons de fous dans la ville de Boston, Paul Rey parlait des « Petites Maisons » et de Bicêtre… Cette édition contenait d’autre part une préface en forme « d’Avertissement, » par Théodore Reinach, qui consistait principalement en une redite des thèses exposées fort clairement dans le livre par Edward Bellamy ; il n’a pas été jugé opportun de la reproduire ici, car on suppose a priori que le lecteur moderne de ce texte lumineux n’a guère besoin qu’on guide ainsi ses pas. Par contre, la version en langue américaine du roman comportait une préface de l’auteur qui ne figure pas dans l’édition de 1891, et dont on trouvera ici une traduction sans doute originale. Robert Soubie
–4–
PRÉFACE DE L’AUTEUR
Section d’Histoire de Shawmut College, Boston, le 26 décembre 2000. Nous vivons ces jours-ci l’année ultime du vingtième siècle, et nous bénéficions des bienfaits d’un ordre social si simple et si logique qu’il semble n’être que le triomphe du sens commun ; malgré tout, il est difficile, pour qui ne dispose pas d’une formation historique approfondie, d’appréhender le fait que l’organisation présente de notre société date en réalité de moins d’un siècle. Aucun fait historique, cependant, n’a été aussi fermement établi que le constat suivant : jusqu’à la fin du dixneuvième siècle, on croyait généralement que l’ancien système industriel, avec toutes ses conséquences sociales choquantes, était destiné à durer, peut-être au prix de quelques amendements, jusqu’à la fin des temps. Qu’il nous paraît étrange, presque incroyable qu’une aussi prodigieuse