A quoi sert la littérature
Reste que cette vieille question est aujourd'hui d'une brûlante actualité: les propos du Président de la République sur «La Princesse de Clèves», et plus généralement le contenu des réformes de l'université et des concours d'enseignement laissent entendre que cette vieillerie que l'on est convenu d'appeler littérature ne sert pas à grand-chose, sinon, au mieux, de décorum culturel, au pire, de moyen de distinction sociale [=> Manuel de destruction culturelle et La destruction de l'enseignement].
Soit elle est inutile et obsolète, non professionnalisante, soit elle sert l'injustice. C'est un élément de la culture bourgeoise. Ceux qui font profession d'écrire, d'enseigner la littérature, de se consacrer à la recherche littéraire en éprouvent parfois un sentiment de culpabilité. Sont-ils des survivances d'une époque disparue? Des bibelots de luxe qu'une société en crise n'a plus les moyens de s'offrir? Et après tout, que cherchent-ils? A quoi servent tous ces vieux bouquins? A ceux qui s'interrogent, souvent de bonne foi, sur leur utilité, il leur faut répondre, et répondre aussi clairement que possible à cette question complexe. J'aimerais proposer ici, en deux parties, une réflexion sur ce sujet. Je retranscris une conférence improvisée prononcée il y a quelques jours à l'université Paris III-Sorbonne nouvelle, à l'invitation du professeur Tortonese, en grève, à la place de son cours ordinaire.
Après tout, il est bien possible que la littérature ne serve à rien, en effet. Pour les partisans de l'art pour l'art, au XIXe siècle, il lui suffisait de se contenter d'être belle. La beauté se refusait à toute utilité. A propos d'utilité, Théophile Gautier écrivait ceci, dans la préface de «Mademoiselle de Maupin»:
«Je sais qu'il y en a qui préfèrent les