L'intelligence humaine
L’intelligence humaine, dans tous ses états
Franck Ramus est directeur de recherches au CNRS à l’Institut d’étude de la cognition, à l’École normale supérieure de Paris.
S
i l’on en juge par le nombre de sites Internet consacrés à l’intelligence et proposant des tests de QI (quotient intellectuel), on a l’impression que la notion d’intelligence générale fait l’objet d’une vénération (dans les sociétés occidentales), et que les scores de QI ont acquis un caractère quasi magique ou sacré. Il n’est donc pas inutile de rappeler d’où vient cette notion d’intelligence générale, ce que reflètent les scores de QI, et quelles sont les parts de « l’inné » (la contribution des gènes) et de « l’acquis » (l’influence de l’environnement). La notion d’intelligence générale repose sur une intuition assez partagée, selon laquelle on distingue facilement les individus que tout le monde qualifie d’intelligents de ceux qui le sont beaucoup moins. Toutefois, à y regarder de plus près, on constate que les capacités et les talents peuvent être multiples ; celui qui excelle dans le maniement des subtilités du langage peut utiliser moins bien le raisonnement abstrait, alors que tel autre brillant en mathématiques est incapable de gérer sa vie au quotidien. Néanmoins, l’observation de ces différences individuelles n’enlève rien à l’intuition d’une forme d’intelligence générale qui s’appliquerait à de nombreux domaines de la vie. De fait, les données recueillies depuis un siècle sur les tests d’intelligence – un test complet comporte en général plusieurs « sous-tests » individuels – confortent cette intuition. En effet, quels que soient le nombre et la variété des sous-tests utilisés, les chercheurs en psychologie ont observé que les performances des individus à tous ces tests sont liées (on dit qu’elles sont corrélées) : en d’autres termes, les individus qui
ont de bons scores à quelques tests réussissent bien… à tous les autres, et inversement. Des analyses