L'argent est au centre de nos préoccupations les plus quotidiennes, il ne fait pas pourtant partie des thèmes canoniques des sciences de l'homme. Étudier l'argent c'est d'abord déterminer les conditions qui lui permettent d'assurer sa fonction monétaire. C'est ainsi comprendre comment les propriétés de l'argent influencent les modalités des échanges des biens et en quoi la circulation de l'argent favorise l'activité économique. Mais surtout il faut prendre conscience que l'argent, débordant largement ses fonctions économiques, est un fait social total. C'est bien sûr un critère de distinction sociale entre riches et pauvres, mais, plus subtilement, les caractéristiques de l'économie monétaire induisent le mode d'organisation des interactions sociales. L'argent est aussi le moteur des rivalités et des luttes sociales. Comment réfléchir sur le thème de l'argent ? Prendre la pleine mesure du phénomène de l'argent n'est-ce pas remarquer combien l'échange marchand ramène les relations humaines a des relations d'intérêt ? L'argent peut-il avoir un pouvoir corrupteur, un pouvoir d'aliénation, de nivellement des valeurs ? Combien peut-il susciter des fascinations pathologiques ? La valeur des biens, des hommes et des vies s'évaluant à l'aune de l'argent, ne peut-on pas s'y intéresser sans s'interroger sur l'estime dans laquelle on doit tenir ses divers usages ? Pour saisir la véritable valeur de l'argent, son essence, on ne peut s'en tenir au point de vue de l'économie. La valeur économique de l'argent n'est jamais seulement économique mais toujours aussi psychologique et anthropologique. Saisir cela donne donc à l'argent une valeur heuristique exemplaire. L'argent est d'une immense importance pour la compréhension des motifs fondamentaux de l'existence. La forme monétaire s'est emparée de la totalité de la sphère économique. Pour remplir sa fonction de mesure, échanger, représenter des valeurs, l'argent doit-il être une valeur ou bien peut-il se contenter alors d'être