L'effort historique de la science consiste-t-il à inventer une justice nouvelle?
Qu’y a-t-il de commun entre la justice de l’ancien régime, et même d'avant, et notre justice contemporaine, sinon, que la notion de justice s'adresse toujours à l'Homme ? S'il y a eu changements entre ces deux temps de l'histoire aisément identifiables, à quoi ou à qui sont-ils dus ? A la connaissance toujours plus grande que l'Homme a sur lui même et sur les choses, ou au savoir anonyme et plus particulièrement à celui de la science? "L’effort historique de la science consiste-t-il à inventer une justice nouvelle ?" comme se le demande Michel Serres.
Ce que nous retenons de cette question c'est le désir de comprendre en quoi la connaissance scientifique du monde a pour objectif, sinon contribue à l'invention, au renouvellement constant, au cours des âges, de la notion de justice. Pour examiner cette question nous allons prendre trois moments de l'histoire de l'Homme et de sa culture représentés par les trois œuvres que sont l'Orestie d'Eschyle, les Pensées sur la justice de Pascal et Les raisins de la colère de Steinbeck. Ces trois œuvres sont à regarder comme des instantanés, pris par des observateurs de leur société, observateurs qui sont suffisamment fins pour que nous puissions tirer de ces clichés une bonne idée des interactions entre science et justice au cours de ces trois périodes.
Mais avant cela il nous faut définir en quel sens nous allons parler de science et de justice.
La science au temps d'Eschyle n'est évidemment pas la science au sens où nous l'entendons actuellement. Les sciences dures, comme dit Michel Serres, ne s'étaient pas développées au point de voir communément derrière ce mot "les mathématiques" ou "les sciences physiques". Tout était encore contenu dans la philosophie, même encore du temps d'Isaac Newton. Il faut donc reprendre le sens originel qui donne au mot science le sens de la connaissance qu'on a de quelque chose. Cela