L'ethno-perspective
Synergies France n° 7 - 2010 pp. 173-178
1. Compte rendu d’ouvrage Brigitte Louichon, La littérature après coup, Presses Universitaires de Rennes, 2009, 182 p. « Tu me fais souvenir que j’ai tout oublié1 » : c’est ce que l’on pourrait dire à Brigitte Louichon, une fois refermé son ouvrage, dont le titre, elle le précise au chapitre ix, « évoque assez fortement “l’aprèscoup” freudien » (p. 126). Partant du constat qu’il reste bien peu de choses de nos lectures, l’auteure, professeure à l’IUFM d’Aquitaine2 et spécialiste du roman du premier dix-neuvième siècle et de didactique de la littérature, étudie le « souvenir de lecture », objet qu’elle construit en s’appuyant, pour ce qui est du cadre théorique, sur les travaux qui s’intéressent au sujet-lecteur (réel) et pour ce qui est du corpus, sur des témoignages de lecteurs, anonymes ou célèbres.
Elle se livre, à proprement parler, à une enquête : elle interroge d’abord les littéraires mais leur reproche, du moins selon la perspective qui est la sienne, de ne se fonder que sur l’introspection et leur propre expérience de la lecture. Elle interroge ensuite les sociologues, souligne la pertinence de leurs outils, notamment ceux des méthodes biographiques. Elle sait gré à B. Lahire de prendre en compte le sujet dans sa dimension individuelle mais trouve superficiels les portraits de lecteur qu’il nous livre. Elle se tourne enfin vers les historiens mais selon elle, voulant faire des cas qu’ils étudient des exemples révélateurs d’une société et d’une époque, ils passent eux aussi à côté de la singularité de chaque lecteur. C’est finalement la thèse que développe Pierre Bayard dans Comment parler des livres que l’on n’a pas lus qui lui parait la plus féconde. Elle aboutit à la conclusion que la méta-lecture, dont le souvenir de lecture n’est qu’une espèce, est fondamentalement fragmentaire. Elle construit ensuite une définition du souvenir de lecture, « une trace qui demeure, malgré le temps » (p. 75), un