L'immigration haïtienne
La migration haïtienne, un défi à relever
Francis Saint-Hubert1
La migration haïtienne, un défi à relever
Certainement aujourd’hui, le nom même d’Haïti évoque dans beaucoup d’esprits l’image d’un pays exportateur de migrants par excellence, un des rares en effet qui disposent d’une diaspora au sens étymologique d’un ensemble de communautés importantes disséminées à travers le monde. L’ironie cependant, que doit relever toute étude sur la migration en Haïti, est que peut-être jusqu’au début des années 1960, l’Haïtien en général ne voulait pas laisser son pays. En particulier, celui de la classe moyenne, une mince couche de moins de 10 % de la population, mais importante économiquement et surtout politiquement, regardait avec un certain mépris ceux issus en majeure partie de la classe plus basse qui, depuis déjà les années 1920, partaient couper la canne à sucre à Cuba et en République dominicaine2.
Les raisons sont d’abord historiques. La révolution de 1803 avait chassé les Français, ou plus collectivement les « Blancs », de cette partie de l’île. Elle avait abouti à l’indépendance, proclamée le 1er janvier 1804, et laissé un peuple ultra fier d’avoir réussi là où Spartacus avait échoué, d’avoir créé la première république nègre au monde. Un conflit faisait donc rage dans la psyché jungienne des Haïtiens entre cette robuste fierté dite « dessalinienne » (de Dessalines, le nom du fondateur de la Nation) et des forces migratoires répulsives et attractives de plus en plus intenses. En fait, quoique moins intenses ailleurs, en République dominicaine et en Jamaïque par exemple, ces mêmes forces y avaient déjà déclenché une migration vers le Nord des Etats-Unis (New York, Boston, etc.), dans la foulée d’une autre, interne cette fois, de Noirs américains qui fuyaient la ségrégation du système Jim Crow du Sud (Alabama, Géorgie, Atlanta, etc.).
La classe moyenne haïtienne ne pourra pas résister à ce vaste mouvement