L'utopie
Introduction
Encyclopædia Universalis
Le terme d'utopie, inconnu du grec, a été forgé par Thomas More pour figurer dans le titre donné par lui à ce qui, de son propre aveu, ne devait être qu'une « bagatelle littéraire échappée presque à son insu de sa plume », c'est-à-dire ce petit libelle sur la « meilleure des Républiques » sise en la nouvelle île d'Utopie. Le texte, publié à Louvain en novembre 1516, allait rencontrer aussitôt une audience exceptionnelle dans l'intelligentsia européenne et caractériser non seulement un genre littéraire mais une littérature sociologique. Aujourd'hui, en effet, à la littérature d'expression utopique s'est adjointe une littérature de réflexion sur cette expression. Des textes se rééditent ; des nomenclatures se dessinent ; des typologies ou même des modèles s'esquissent ; des réhabilitations sont opérées : l'utopie prend une place notoire non seulement dans la sociologie de la connaissance rétrospective mais aussi dans celle de l'action prospective.
Utopie et utopies
Panorama de l’utopie « Utopie », selon Thomas More, signifie « nulle part » : un lieu qui n'est dans aucun lieu ; une présence absente, une réalité irréelle, un ailleurs nostalgique, une altérité sans identification. À ce nom s'attache une série de paradoxes : Amaurote, la capitale de l'île, est une ville fantôme ; son fleuve, Anhydris, un fleuve sans eau ; son chef, Ademus, un prince sans peuple ; ses habitants, les Alaopolites, des citoyens sans cité et leurs voisins, les Achoréens, des habitants sans pays. Cette prestidigitation philologique a pour dessein avoué d'annoncer la plausibilité d'un monde à l'envers et pour dessein latent de dénoncer la légitimité d'un monde soidisant à l'endroit.C'est à partir de Thomas More et pendant trois siècles (xvie-xixe) que l'utopie atteindra en Occident son paroxysme. Mais elle aura eu son précédent dans les sociétés gréco-latines. a) Les utopies anciennes (gréco-latines) Homère (Odyssée, chap.