L'éducation selon montaigne
Même dans les deux premiers chapitres que nous avons mentionnés, et où le sujet est traité ex professo, Montaigne n'a pas renoncé à ses habitudes nonchalantes et capricieuses : sa pensée, comme il l'avoue lui-même, procède « par sauts et par gambades » ; de sorte qu'une analyse attentive est nécessaire pour reconstruire le plan et retrouver la suite des idées pédagogiques de notre auteur.
Quant à l'importance de ces idées, quelque incomplètes qu'elles soient, elle n'est pas discutable. Depuis le jour où Guizot, dans les Annales de l'Education, en 1812, leur a consacré un article de critique élogieuse, tous les historiens de l'éducation se sont accordés à saluer dans Montaigne un des pères de la pédagogie. On n'avait pas attendu notre époque, d'ailleurs, pour mettre à profit les judicieuses réflexions de l'auteur des Essais : Locke et Rousseau particulièrement lui ont fait de larges emprunts, et, malgré la brièveté de son esquisse pédagogique, Montaigne est un chef d'école en matière d'éducation.
Un mot résume les défauts qu'il reproche à l'instruction alors en usage : c'est le pédantisme.
Le pédantisme, qui peut revêtir tant de formes et auquel chaque siècle donne en quelque sorte une physionomie nouvelle, consistait surtout, chez les contemporains de Montaigne, en deux choses: 1° l'abus de la dialectique, de l'art du raisonnement syllogistique ; 2° l'érudition indigeste, l'entassement de connaissances stériles, qui farcissait la tête sans la former, et la déformait plutôt.
Contre ces deux aspects du