L'ère du vide
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ANS L’ère du vide. Essais sur l’individualisme contemporain
(1989), Gilles Lipovetsky signale la disparition des grands buts et grandes entreprises pour lesquels la vie mérite d’être sacrifiée.
L’espérance révolutionnaire a disparu, la contre-culture s’épuise et rares sont les causes encore capables de galvaniser les énergies. L’ère révolutionnaire est close. Seule demeure la quête de l’ego et de son intérêt propre, l’extase de la libération personnelle, l’obsession du corps et du sexe. Mais plus les mœurs se libéralisent, plus le sentiment de vide gagne. Le narcissisme représente un nouveau stade de l’individualisme:
À coup sûr, tout ne date pas d’aujourd’hui. Depuis des siècles, les sociétés modernes ont inventé l’idéologie de l’individu libre, autonome et semblable aux autres. Parallèlement, ou avec d’inévitables décalages historiques, s’est mise en place une économie libre fondée sur l’entrepreneur indépendant et le marché, de même que des régimes démocratiques. Cela étant, dans la vie quotidienne, le mode de vie, la sexualité, l’individualisme jusqu’à une date récente s’est trouvé barré dans son expansion par des armatures idéologiques dures, des institutions, des mœurs encore traditionnelles ou disciplinaires-autoritaires. C’est cette ultime frontière qui s’effondre sous nos yeux à une vitesse prodigieuse. Le procès de personnalisation impulsé par l’accélération des techniques, par le management, par la consommation de masse, par les média, par les développements de l’idéologie individualiste, par le psychologisme, porte à son point culminant le règne de l’individu, fait sauter les dernières barrières (Lipovetsky, p. 35-36).
Finis les grands métarécits. La société postmoderne se caractérise par l’incroyance et le néo-nihilisme. L’individualisme hédoniste et personnalisé est la conséquence de l’échec ou du collapse des grands mythes révolutionnaires.
L’affaiblissement
des croyances révolutionnaires