Elstir

Sainte-Beuve confond littérature et conversation ; or l'auteur biographique, social, mondain n'y est pour rien dans son oeuvre : ce sera toute la leçon des artistes imaginaires dans la Recherche, Bergotte, décevant quand le héros le rencontre chez les Swann, Elstir, commensal des plus vulgaires dans le salon Verdurin, Vinteuil enfin, petit professeur de piano de Combray, mais tous génies méconnus de leurs familiers. Toute la Recherche naît de cette intuition et vise à démontrer la proposition suivante : la mémoire

fait! grosse! de! toutes! les! méditations,! tant! sur! l’intime! (l’exil! de! l’enfance,! l’innamoramento,! la! jalousie),! que! sur! la! société! (la! satire! des! Verdurin,! des! Guermantes,! de! la! société! de! l’arrière),! tant! sur! l’art! (Elstir,! Bergotte,! Swann! ou! le! narrateur)!que!sur!le!temps!ou!la!lecture!ou!le!deuil.!On!pourrait!aussi!bien!dire!que!la! Recherche$du$temps$perdu!est!le!plus!réussi!des!essais!de!Proust,!qu’il!y!a!fondu!ces!deux! genres!jusqu’à!trouver!une!composition

pays le pays. Ce paralllisme souligne la dception naissant de la confrontation du rve la ralit brute. Seul lart est capable de r-enchanter les paysages et de les rendre la hauteur des esprances du narrateur (par exemple, les peintures de Balbec par Elstir dans lombre des jeunes filles en fleurs). Cest partir de Nom de pays le nom que la Recherche devient plus une esthtique quun roman pur. A lOmbre des jeunes filles en fleurs Roman des amours adolescentes, lombre des jeunes filles en fleurs se divise

possibilité d'un nouveau choc. » Et, Lescure conclut : « L'artiste ne crée pas comme il vit, il vit comme il crée. » Ainsi, le peintre contemporain ne considère plus l'image comme un simple substitut d'une réalité sensible. Des roses [16] peintes par Elstir, Proust disait déjà qu'elles étaient une « variété nouvelle dont ce peintre, comme un ingénieux horticulteur, avait, enrichi la famille des Roses » 12. 11 12 Jean LESCURE, Lapicque, éd. Galanis, p. 78. Marcel PROUST, A la recherche du temps

description ordinaire, et il s’en va vers une autre réalité qui se trouve dans les profondeurs de sa personnalité, dans les impressions et dans les rêves qui nous découvrent les coins mystérieux de sa conscience. Proust, tout à fait comme son peintre Elstir, fait partie de ce groupe des artistes qui croient que l’art n’est pas une copie de la réalité, mais son expression ; l’artiste crée un nouveau monde à partir de ses propres impressions – c’est l’argument de base pour la critique de Proust : un critique

picturale ; dans l’écho que l’écrivain instaure avec le sens premier de « terme » (= « mot »), il rapproche, jusqu’à la fusion, le double langage : celui d’Elstir, langage pictural, et le sien, textuel, qui met en mots la métaphore d’Elstir. b) Elstir est un peintre impressionniste. Il restitue l’impression première et non la réalité revue par la raison ou l’observation prolongée. • Le nom d’Elstir, qui incarne, dans À la Recherche du temps perdu, les peintres de la fin du XIXe et du début du