Adam smith : les limites de la main invisible
IDÉES REÇUES Jean Dellemotte
Alternatives économiques | « L'Économie politique »
2009/4 n° 44 | pages 28 à 41 ISSN 1293-6146
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En revenir aux écrits originaux, malgré la difficulté inhérente à leur interprétation, demeure alors la meilleure clé pour accéder à une pensée qui ne se laisse pas réduire à des schémas simplistes.
Le premier constat est qu’Adam Smith n’a employé que trois fois l’expression « main invisible » dans l’ensemble de son œuvre publié, qui rassemble un traité de philosophie morale, la Théorie des sentiments moraux (1759) [3], un essai sur l’origine du langage
(Considerations Concerning the First Formation of Languages, publié en 1761), un ouvrage d’économie politique, l’Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) [4], enfin un …afficher plus de contenu…
Celui où il est question de « gra- vitation » des prix de marché vers les prix naturels [RN, livre I, chap. 7]. Pourtant, Smith n’emploie nullement la métaphore à ce moment-là [8]. Si, dans sa pensée la « main invisible » repré- sentait sans équivoque le marché, nul doute qu’un auteur aussi méticuleux, et aussi exigeant sur le choix de ses mots [9], l’aurait signifié de façon explicite à son lecteur.
L’assimilation entre main invisible et « marché » peut donc, in fine, être considérée comme une extrapolation qui ne trouve pas de véritable fondement dans les textes de Smith. En dehors de sa fonction idéologique indubitable, on peut esti- mer qu’elle s’enracine dans une lecture orientée et commode de l’histoire de la pensée, consistant à présenter Smith et