Albert camus, l'etranger
D’abord, ce roman est écrit à la première personne, au point peut-être que Camus ait délégué à Meursault lui-même son rôle de narrateur, se cachant derrière ; qui plus est, Meursault nous propose un récit qui prend, on peut l’admettre, l’aspect du journal intime. Un journal peut être tenu au jour le jour, ou écrit après le drame, afin d’en reconstituer l’histoire, à partir du premier événement qui sera retenu au procès, et qui n’est autre que la mort de sa mère. nutile de dire que les premières lignes de ce roman qui nous livrent, sans préambule, les toutes premières réactions de ce personnage trouvé confronté à la mort de sa mère, a de quoi nous déstabiliser, voire nous frapper et nous déconcerter. Qu’est-ce qui est fondamentalement à l’origine de ce choc ? L’indifférence totale et absurde de Meursault face à la mort d’une mère, censé être un être cher. Juste après l’annonce par le télégramme du décès de celle-ci, Meursault prend son repas sans rien changer à ses habitudes, puis s’endort tranquillement dans l’autobus qui le conduit à Marengo. L’homme ne laisse apparaître, semble-t-il, aucune émotion, aucun chagrin, telle qu’on l’attendrait dans ce type de situation. Alors même que le télégramme dit : « Mère décédée. » Meursault ne trouve pas mieux que d’écrire à ce propos : « ça ne veut rien dire. » Comportement pour le moins étrange, loufoque, voire absurde. Aussi avons-nous beaucoup de difficultés à rester impassibles, neutres devant un tel personnage, si décalé ; comment ne pas juger d’emblée cet homme, et par ricochet comment ne pas quitter le livre, refusant d’en continuer avec l’infâme.
Meursault ne semblant pas même ému par ce qui lui arrive, se sent néanmoins ennuyé pour son patron ; ce seront d’ailleurs ses amis et connaissances chez