analyse
Introduction
La grande majorité des critiques est d'accord sur la question du mysticisme religieux d'Alissa dans La Porte étroite. Germaine Brée a résumé le sentiment général dans une phrase lapidaire: "Alissa n'est pas éprise de Dieu." II est généralement accepté que Gide a traité le mysticisme d'Alissa sur un mode ironique et que, dans ce récit, l'auteur a fait le procès de sa propre inclination mystique.2
Ce que Gide condamne dans la conduite d'Alissa, c'est essentiellement l'excès auquel peut mener une inclination mystique débridée. Mais tout ce qui est mystique ou religieux dans La Porte étroite ne tombe pas automatiquement sous le coup de l'ironie. Telest le cas du mysticisme de Jérôme dont l'initiation a lieu au début de La Porte étroite (chapitre I, II).3Moins immodéré, moins religieux, plus orienté vers la morale que celui d'Alissa, le mysticisme de Jérôme qui a jusqu'ici passé inaperçu, semble avoir la faveur de l'auteur. L'inclination de Gide à Fégard du mysticisme n'est donc pas figée dans une position simple et unique: elle est ambiguë. On doit dès lors se demander quel est le véritable sentiment de l'auteur envers ce mysticisme qui le fascine et l'effraie en même temps.4 Telle est la question que la présente analyse textuelle se propose d'examiner. Nous concentrant sur le texte de l'introduction: chapitres I, 11, paragraphes 1, 2, 3 et nous limitant à l'initiation de Jérôme, nous tenterons de démontrer que Gide traite le mysticisme chrétien selon un procédé systématique qui trahit une intention précise. Il vide progressivement et subtilement le langage mystique de son contenu religieux et fait glisser son texte vers une interprétation profane. Du coup il laisse voir sa position profonde vis-à-vis du mysticisme chrétien en dépit de son sens aigu du spirituel, de l'exigence, du dépassement de soi, et même du sacré. Gide est incapable de sentir et