Au plein jour de la nuit
Le soir vint tandis que la conversation du déjeuner se poursuivait. A midi, la table du comte avait croulé sous le poids des innombrables mets servis, ce jour là en l’honneur de Mr et Mme les ambassadeurs de Tchéquie. Le dessert avait suivi le déjeuner et la conversation s’était orientée sur l’aspect obscur de la mort. J’avais pensé, pour ma part, que ni le moment ni le lieu n’étaient propices pour en discuter. On ne pouvait tout de même pas parler de cette inconnue vêtue de noir, sous ce beau soleil d’hiver, tout juste bon à vous éblouir et non à vous réchauffer. De plus, parler de la mort dans ce magnifique château de province entouré de jardins, à la Versailles, ou les meubles d’acajou, les fauteuils de noyer et les tables de chêne se mariaient avec élégance au milieu des peintures, des tapis et des tapisseries familiales n’était guère une bonne idée. Voyons ! Parler d’un tel sujet devant les coupes en argent et les assiettes en porcelaine de Chine, toutes frappées aux armoiries de la famille était même déplacé ! Mais l’ambassadeur avait commencé, ne se souciant guère du magnifique confort auquel il devait être habitué, affirmant, selon lui, que toutes les morts ne comportaient que de la souffrance. Sa femme, elle, avait répondu à son cher époux que la mort était indolore et avait même ajouté qu’il était plus facile de faire la rencontre de la fameuse moissonneuse que de s’endormir. Le comte, lui, dans la crainte de perdre ce qu’il considérait comme de potentiels clients, s’était refusé à prendre position. Cependant il avait tergiversé en m’apostrophant :
« -Mr le Maire, vous êtes plus à même que moi pour apporter contribution à ce débat, n’est ce pas ? »
Tous les regards tournés vers moi, je répondis :
« -En effet, cher comte, je puis vous raconter la mort de mon père qui sera pour vous, peut être, un élément qui permettra de nouvelles réflexions. »
Les yeux au ciel, pour éviter de contempler la face de l’auditoire et son