AUTRUI
Le monde de l’homme n’est pas seulement constitué par des objets qui l’entourent, il contient d’autres hommes dont il doit tenir compte dans son action. L’homme n’est pas fait pour vivre seul. Il a besoin des autres non seulement dans l’entraide et la coopération, mais aussi pour partager le sentiment d’exister. Son jugement, ses découvertes, ses émotions n’ont de significations et de valeurs que si d’autres peuvent aussi les éprouver ou les confirmer. Ils n’ont de valeurs que si d’autres peuvent aussi en être les témoins ou les garants. Aussi la communication avec autrui apparaît-elle comme le premier besoin et sans doute le plus impérieux de tous.
Cette présence dans son univers pose deux problèmes : celui de la connaissance de l’autre et celui des rapports qu’ils peuvent entretenir entre eux. Mais en deçà, se pose la question de l’existence même d’autrui : qu’est-ce qui atteste l’existence d’autrui ? Est-il possible de connaître autrui ? Quelles sont les modalités, les difficultés et l’intérêt d’une relation harmonieuse avec autrui ?
I. La découverte d’autrui
La philosophie classique, en plaçant le sujet au centre de l’existence et de la connaissance, reléguait de fait autrui – ce « moi d’en face » – dans les oubliettes. Ainsi, le principe subjectif de Socrate était : « connais-toi toi-même ». Le sophiste Protagoras, en affirmant que « l’homme est la mesure de toute chose », marquait le caractère subjectif et relatif de l’individu. Dans le même sens, Descartes place l’ « ego » au premier plan de l’existence. Leibniz, lui, considère l’homme comme une monade « n’ayant point de fenêtres par lesquelles quelque chose puisse y entrer ou sortir ». En fin de compte, le sujet est confiné dans la solitude et « l’autre » est ignoré.
Pourtant, l’expérience quotidienne de l’existence me met en contact avec l’autre, les autres. La présence d’autrui est une vérité première qui s’établit par la jonction de la perception et du jugement. Comme le souligne