Camus - l'etranger - porte du malheur
Le meurtre de l’Arabe
Et cette fois, sans se soulever, l’Arabe a tiré son couteau qu’il m’a présenté dans le soleil. La lumière a giclé sur l’acier et c’était comme une longue lame étincelante qui m’atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d’un coup sur les paupières et les a recouvertes d’un voile tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C’est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le révolver. La gâchette a cédé, j’ai touché le ventre poli de la crosse et c’est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J’ai secoué la sueur et le soleil. J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux. Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.
Camus (1913-1960) L’Etranger (1942)
Questions préliminaires (6 points)
1. Dégagez les métaphores qui dans la suite du texte évoquent le “couteau” (ligne 1)
2. Quels éléments du texte annoncent “J’ai secoué la sueur et le soleil” (ligne 18)
3. Analysez la signification des trois formes verbales dans “Alors, j’ai tiré... y parût” (lignes 20-22)
Commentaire composé (14 points)
Commentez ce texte en montrant par exemple la place que réserve l’écrivain aux sensations et la signification qu’elles prennent pour le narrateur.
2. Correction
Questions préliminaires
1. Dégagez les métaphores qui dans la suite du texte évoquent