Cheikh ahmadou bamba
MBAYE GUEYE
Maître de Conférences, Département d’Histoire Faculté des Lettres & Sciences Humaines, Dakar
Paru dans les Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, 1995, 25 : 41-57
Du XVIe au milieu du XIXe siècle les sociétés sénégalaises étaient frappées par une profonde crise consécutive à la traite négrière devenue la préoccupation majeure des autorités. Aux escarmouches succédaient les expéditions de grande envergure entraînant à leur suite des pillages, des vols, des viols. De partout montaient vers le ciel les gémissements des victimes. Cette atmosphère irrespirable de violence mit la société dans une sorte de vide spirituel et moral. Là où la religion traditionnelle était prépondérante comme en pays sérère aucune réponse adéquate n'était trouvée à l'inquiétude du lendemain en raison même de l'étroitesse de ses horizons. Toutefois il en était autrement dans les zones d'implantation des musulmans. Refusant de subir les caprices de l'aristocratie dirigeante, les musulmans prenaient souvent les armes pour abattre les régimes despotiques qui, à leurs yeux, avaient perdu toute légitimité. Ils décidèrent de remodeler la société en recourant aux provisions de la loi islamique. 1. LE CONTEXTE HISTORIQUE Vers la fin du XVIIIe siècle, ils connurent quelques succès. En 1776 la Révolution théocratique triomphait au Fouta-Toro. Les échecs constatés au Kajoor et au Bawol ne les dissuadèrent pas de reprendre la lutte au XIXe siècle. /p. 41/ Le Waalo connut en 1825 un soulèvement maraboutique qui fut sans lendemain. En 1859 les marabouts du Ndiambour ne furent guère plus heureux dans leur tentative de renverser la royauté. Toutefois Ahmadou Cheikhou de Wouro Mahdiyou parvint, entre 1869 et 1875, à créer une entité autonome au Fouta. En 1860 Maba Diakhou avait créé la théocratie du Rip. Ainsi donc l'objectif des marabouts était l'islamisation de la société. Ils étaient très sensibles aux