Cherchons un puits
-Bonjour", dit le marchand.
C'était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l'on n'éprouve plus le besoin de boire.
"Pourquoi vends-tu ça? dit le petit prince.
-Cest une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine.
-Et que fait-on de ces cinquante-trois minutes?
-On en fait ce que l'on veut..." "Moi, se dit le petit prince, si j'avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine..." Nous en étions au huitième jour de ma panne dans le désert, et j'avais écouté l'histoire du marchant en buvant la dernière goute de ma provision d'eau:
"Ah! dis-je au petit prince; ils sont bien jolis, tes souvenirs, mais je n'ai pas encore réparé mon avion, je n'ai plus rien à boire, et je serais heureux, moi aussi, si je pouvais marcher tout doucement vers une fontaine!
-Mon ami le renard, me dit-il...
-Mon petit bonhomme, il ne s'agit plus du renard!
-pourquoi?
-Parce qu'on va mourir de soif..."
Il ne comprit pas mon raisonnement, il me répondit:"C'est bien d'avoir un ami, même si l' on va mourir. Moi, je suis bien content d'avoir eu un ami renard..."
"Il ne mesure pas le danger, me dis-je.Il n'a jamais ni faim ni soif. Un peu de soleil lui suffit..." Mais il me regarda et répondit à ma pensée:
"J'ai soif aussi, cherchons un puits..." J'eus un geste de lassitude: il est absurde de chercher un puits, au hasard, dans l'immensité du désert. Cependant nous nous mîmes en marche. Quand nous eûmes marché, des heures, en silence, la nuit tomba , et les étoiles commencèrent de s'éclairer. Je les apercevais comme en rêve, ayant un peu de fièvre, à cause de ma soif. Les mots du petit prince dansaient dans ma mémoire:
" Tu as donc soif, toi aussi?" lui demandais-je.
Mais il ne répondit pas à ma question. Il me dit