Née en 1954, à Glen Ridge, New Jersey, dans la banlieue de New York, Cindy Sherman étudia la peinture au State University College de Buffalo à New York dont elle sortit diplômée en 1977. C’est cette même année que commença sa carrière de photographe avec des séries de prises de vue regroupées sous le titre « Untitled Film Still # », dans lesquelles l’artiste (grimée et méconnaissable) se mettait déjà en scène pour y incarner des « typologies » féminines qui allaient interroger les images stéréotypées de la femme véhiculées par les médias, et allait en dénoncer la fausseté. Cette façon de jouer avec les images « factices » que nous renvoie la société l’a longtemps classée comme artiste de la « Pictures Generation », mouvement qui réutilisait les icônes des médias de masse comme un kaléidoscope de notre monde, mais en fait surtout une artiste en quête de vérité . Car sous l’épaisseur des clichés qui polluent notre champ de vision et dont le but est de nous faire croire à une réalité tronquée, se cache aussi une volonté de formater nos désirs nous donnant l’illusion trompeuse de ce que devrait être la « vraie vie ». Et c’est ce que le travail de Cindy Sherman semble dénoncer. Ainsi son art peut-il peut-être être rapproché de la quête proustienne de vérité puisqu’à partir de son expérience sensible singulière, l’artiste compose et refigure par une mise en scène les « innombrables clichés qui restent inutiles parce que l’intelligence ne les a pas développés »(1) afin de déterminer, comme Proust dans A la recherche du temps perdu, « la signification véritable du perçu et du ressenti » et donc, rétroactivement, « de dégager la vérité du sensible »(2) Et c’est cette quête de vérité, partant de l’expérience sensible singulière pour atteindre l’universalité, que nous tenterons de démontrer en nous interrogeant sur cette recherche « d ’éclaircissement » de la vie (la sienne comme celle d’autrui) où l’artiste s’engage.