Classicisme
Le théâtre étant peu à peu et par degrés monté à sa dernière perfection, devint enfin l'image sensible et mouvante de toute la vie humaine. Or comme il y a trois sortes de vies, celle des grands dans la cour des rois, celle des bourgeois dans les villes et celle des gens de la campagne; le théâtre aussi a reçu trois genres de poèmes dramatiques qui portent en particulier le caractère de chacune de ces trois sortes de vies, savoir la tragédie, la comédie, la satyre ou pastorale.
La tragédie représentait la vie des princes, pleine d'inquiétudes, de soupçons, de troubles, de rebellions, de guerres, de meurtres, de passions violentes et de grandes aventures; d'où vient que Théophraste l'appelle l'état d'une fortune héroïque, et l'auteur de l'Etymologique, une imitation des discours de la vie des héros. Or à distinguer les tragédies par la catastrophe, il y en avait de deux espèces : les unes étaient funestes dans ce dernier événement et finissaient par quelque malheur sanglant et signalé des héros : les autres avaient les retours plus heureux et se terminaient par le contentement des principaux personnages. Et néanmoins parce que les tragédies ont eu souvent des catastrophes infortunées, ou par la rencontre des histoires, ou par la complaisance des poètes envers les Athéniens, qui ne haïssaient pas ces objets d'horreur sur leur théâtre, comme nous avons dit ailleurs, plusieurs se sont imaginés que le mot tragique ne signifiait jamais qu'une aventure funeste et sanglante; et qu'un poème dramatique ne pouvait être nommé tragédie, si la catastrophe ne contenait la mort ou l'infortune des principaux personnages; mais c'est à tort, étant certain que ce terme ne veut rien dire sinon une chose magnifique, sérieuse, grave et convenable aux agitations et aux grands revers de la fortune des princes; et qu'une pièce de théâtre porte ce nom de tragédie seulement en considération des incidents et des personnes dont elle représente