Coeur de banlieue david lepoutre
1546 mots
7 pages
Le livre de David Lepoutre fournit la preuve que l’enquête ethnographique – cette méthode selon laquelle le chercheur passe par l’immersion totale dans la culture qu’il étudie – a encore des bijoux à nous offrir. Même, ou peut-être surtout, au sein de la société complexe, à savoir celle à laquelle appartient le chercheur, le « regard éloigné » de l’ethnologue permet d’entrevoir des comportements, pratiques et langages normalement passés sous silence dans les médias et les traités scientifiques. Pour voyager vers l’exotique, Lepoutre n’a qu’un pas à faire entre son quartier parisien de « cheuri » (terme verlan employé par ses jeunes informateurs pour désigner les « riches ») et la cité des Quatre Mille à la Courneuve, dans la banlieue nord parisienne. Enseignant ostensiblement le « céfran » dans une école où les élèves, originaires du Maghreb et d’Afrique noire, sont quatre fois plus nombreux que les Français de souche, étranger au lieu, il cherche à diminuer la distance en s’installant dans un logement de la cité. Cependant, « l’autre » qu’il cherche à cerner est encore plus difficile à appréhender. Il s’agit d’enfants de dix à seize ans – des « indigènes » peu commodes qui, barricadés derrière les murs presque impénétrables de l’âge, n’accepteront jamais totalement le chercheur comme un des leurs. C’est justement pour s’être heurté à leurs formes violentes de sociabilité, pour s’être trouvé dépourvu devant les performances linguistiques de ces pré-adolescents, que l’auteur a relevé le défi et choisi d’analyser la rhétorique aggressive de cet univers culturel qui n’était pas le sien.
2Pour se préparer à cette tâche, Lepoutre a eu recours à une vaste bibliographie (portant sur la sociologie de la jeunesse, la violence, l’urbanisme, la sociolinguistique, le sport, le rap…) qu’il a complétée par des articles de journaux et des films abordant le sujet de la sous-culture des jeunes de la périphérie urbaine. Pour autant, le génie de ce livre n’est pas dans son