Discours georges mathieu academie
ACADEMIE DES BEAUX-ARTS
NOTICE SUR LA VIE ET TRAVAUX DE
M. Alfred GIESS
(1901-1973)
par
M. Georges MATHIEU lue à l'occasion de son installation comme membre de la Section Peinture
SEANCE DU MERCREDI 28 JANVIER 1976 Monsieur le Président, Messieurs,
Qui l'eut cru, que je devinsse un jour académicien? Qui l'eut cru, que je fusse un jour réconcilié avec la couleur verte? Qui l'eut cru que j'acceptasse un jour de faire l'éloge d'Alfred Giess? Ces trois jours sont arrivés; c'est aujourd'hui.
Qu'est-ce à dire? Le tragique de notre condition résiderait-il dans cette force cachée, qui amène tout mouvement à se nier lui-même, à trahir son inspiration originelle et à se corrompre au fur et à mesure qu'il s'avance? En politique, dit Cioran, l'on ne s'accomplit que sur sa propre ruine. Ne confondons pas la politique avec l'art. Depuis trente ans, j'ai combattu toutes les maladies qui causent la mort des civilisations et des formes. Depuis trente ans, j'ai combattu la Grèce classique, la Renaissance, l'Abstraction géométrique. Depuis trente ans, j'insulte les critiques d'art, les conservateurs de musées, les officiels, les ministres, les républiques, et je suis sur le point d'entre prendre les louanges d'Alfred Giess.
Serais-je donc brusquement devenu civilisé, bien élevé ou récupéré? Vais-je accomplir, sinon ma ruine, du moins une triple trahison envers moi-même, en défendant l'Académie, en faisant l'apologie de la nature, en rendant hommage à Giess? Triple gageure, triple défi, ou triple tragédie? Eh bien, non, je l'affirme, "tout est dans l'ordre ", comme aimait à répéter Julius Evola. Si je reste fidèle à moi-même aujourd'hui, c'est qu'autour de moi, autour de nous, c'est la civilisation elle-même qui est en train de changer. Ma nature combative est toujours vigilante. Plus que jamais, et pour des enjeux toujours plus hauts il y a lieu de rassembler nos ardeurs. Après avoir combattu le passé, c'est le présent qui est à combattre. La Nature