Dissertation : dans quelle mesure le spectateur est-il partie prenante de la représentation théâtrale ?
En latin, le verbe specto signifie regarder, observer. Par définition, le spectateur est donc avant tout un regard. Son attitude est réceptive comme le demande L'Annoncier au tout début du Soulier de Satin de Claudel : « Écoutez bien, ne toussez pas ». Pourtant, Molière dans La Critique de L'École des femmes met en scène des spectateurs de L'École des femmes, une comédie jouée quelques mois auparavant et objet d'une querelle. D'une façon plus marquée encore, Edmond Rostand, dans l'ouverture de son drame Cyrano de Bergerac, nous présente un théâtre au lever du rideau. Ainsi nous pouvons nous demander dans quelle mesure le spectateur est partie prenante de la représentation théâtrale. Comment celui qui n'est au départ qu'un regard sur la pièce et le destinataire de l'œuvre devient-il une force active dans un théâtre conçu comme une création collective ?
I. Le spectateur : un simple regard sur la pièce
Si l'Annonceur du Soulier de satin et le Prologue de l’Antigone d'Anouilh s'adressent au spectateur, c'est que celui-ci est partie prenante de la représentation ; mais son rôle semble réduit à regarder et à écouter ; nécessaire mais passif, seulement occupé à « comprendre un peu », il est même distant des personnages dont le destin est bien différent du sien.
1-1 Le regard du spectateur
Si Boileau dans les vers de son Art Poétique consacré au théâtre demande le « vraisemblable » plutôt que le « vrai », c'est que le théâtre est un art de l'illusion. La pièce nous donne l'illusion du réel, et l'on pourrait presque parler d'illusion d'optique tant le spectacle à besoin du regard du spectateur pour fonctionner pleinement. Ainsi, de nombreuses pièces choisissent une entrée in médias res afin de donner à la salle l'impression que la scène avait déjà commencé avant le lever de rideau et qu'elle ne fait que surprendre, comme un