El ments pour un renouvellement de la th orie de la preuve en droit priv 2012
ÉLEMENTS POUR UN RENOUVELLEMENT DE LA THEORIE DE LA
PREUVE EN DROIT PRIVE
Étienne VERGES
Renouveler la théorie de la preuve en droit privé est un travail imprudent et semé d’écueils. Plus que bicentenaire, la théorie de la preuve est ancrée dans la doctrine civiliste française et elle semble immuable.
Enseignée aux étudiants de première année, il est rare qu’elle donne lieu à des approfondissements dans le cursus universitaire. Rares sont également les travaux contemporains qui sont consacrés à cette théorie dans son ensemble1, comme si tout avait été dit dans le Code civil et qu’il n’était plus nécessaire d’y revenir.
Mais si les études holistiques sont peu nombreuses et que la théorie classique fait consensus, c’est aussi en raison de l’éparpillement des règles de preuve, qui rend la matière plus embrouillée qu’à première vue. La complexité du droit de la preuve est telle, que la matière résiste à celui qui tente de l’appréhender dans sa globalité. Même Bentham ne parvint jamais à achever son Traité des preuves judiciaires, qui fut publié par
Dumont à partir des manuscrits du premier. Dans la préface de l’ouvrage, Dumont écrivait à propos de
Bentham : « Après avoir accumulé une prodigieuse quantité de matériaux, il n'a pas eu le courage d'aller plus loin : son abondance lui a fait peur. » Bentham avait rassemblé tout son savoir sur la preuve dans des
« planches » et des « panoramas ». L’œuvre était si imposante qu’il ne put publier de son vivant qu’un
« sommaire »2. De surcroît, Dumont, après avoir repris le travail de Bentham, estimait que « les matériaux étaient loin de former un ensemble intelligible et complet ». Pourtant, si l’œuvre conjointe de Bentham et
Dumont fait référence encore aujourd’hui, c’est que les règles qui « paraissent de simple bon sens seront souvent