LES ENFANTS Et LEURS SAUVETEURS La relation de l'activité des résistants œuvrant dans l'ombre, au prix de risques majeurs, au sauvetage des enfants, ne permet d'imaginer que de manière trop fragmentaire la trame de leur vie quotidienne et surtout celle des enfants eux-mêmes. Chaque démarche se compliquait par les problèmes constituant la routine prosaïque de la période de l'Occupation : précarité des transports, rationnement et pénurie d'innombrables produits alimentaires et autres articles indispensables à l'existence de tous les jours, couvre-feu, risques inhérents au port de l'étoile jaune ou au défaut de port de l'étoile jaune, contrôles policiers, insécurité du domicile, danger des dénonciations. Il fallait prospecter à travers les campagnes de dizaines de départements des familles et institutions nourricières inconnues, procurer faux papiers et titres de rationnement aux enfants, leur apprendre à oublier leur identité et à inventer un nouveau passé, leur constituer un trousseau élémentaire, les convoyer, leur rendre visite régulièrement pour assurer le versement des pensions et veiller à leur bien-être matériel et moral, maintenir dans certains cas le contact avec des membres de leur famille sans violer les précautions de sécurité. Le tout dut être accompli par un personnel très réduit, plusieurs fois décimé par les rafles, n'ayant pas reçu de formation, sauf lorsqu'il s'agissait d'assistantes sociales, de cadres de mouvements de jeunesse ou d'enseignants. La plupart des membres de la Résistance, avant l'époque des maquis et de l'insurrection, évoluaient dans leur environnement normal, sans rompre avec familles, voisinage, travail ou études, consacrant quelques heures par jour ou par semaine à l'action souterraine. Tout cela était interdit aux membres des réseaux juifs de sauvetage d'enfants, attelés à une tâche harassante et évoluant dans une clandestinité de tous les instants. Chaque erreur, oubli, négligence ou faute de leur part risquait de