Faut-il distinguer pouvoir constituant originaire et dérivé ?
« Les constitutions sont matière vivante : elles naissent, vivent, subissent les déformations de la vie politique, sont l'objet de révisions plus ou moins importantes, et peuvent disparaître ». Le juriste Pierre PACTET présente en filigrane, par ce propos, une certaine définition du pouvoir constituant, comme le pouvoir capable d'établir ou de réviser la Constitution. Apparaît ainsi un dualisme entre le pouvoir capable d'établir , à partir d'un vide constitutionnel, une Constitution, et le pouvoir capable de la modifier, de la transformer au gré de l'évolution de la politique et de la société, de la réviser. Ce dualisme se traduit par la distinction d'appellation canonisée par le juriste Roger Bonnard : le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé. La doctrine constitutionnelle voit par ailleurs depuis longtemps une scission s'opérer entre les constitutionnalistes défenseurs d'une identité entre ces deux pouvoirs, conception dominante en France et les autres, souvent inspirés par la doctrine allemande, partisans d'un net discernement entre les deux. La question est donc de savoir si, au delà de ce dualisme apparent, subsiste une réelle distinction entre pouvoir constituant originaire et dérivé. Si la distinction entre ces deux pouvoirs apparaît nécessaire (I), il semble par ailleurs qu'elle soit à relativiser (II).
I- La nécessaire distinction entre pouvoir constituant originaire et dérivé se traduit à la fois par une différence de légitimité (A) et par un contraste de leur champ d'action (B). A) Une différence de légitimité Le premier aspect de la distinction entre ces deux pouvoirs tient à la différence de leur légitimité. Pour expliciter cette perspective, il convient de fixer comme postulat la situation d'un État démocratique, et non pas d'un État dont la souveraineté appartient à un dictateur, et auquel cas de toutes les manières le pouvoir