Freud_Ratio
Jacques Van Rillaer
Professeur de psychologie à l'université de Louvain-la-Neuve
Il y a une trentaine d’années, René Zazzo, un des plus éminents psychologues du XXe siècle, organisait un colloque de l’Union Rationaliste sur le thème « Psychanalyses et rationalisme ». Les communications ont été publiées dans Raison Présente en 1978. Dans le titre du colloque, le mot « psychanalyse » était au pluriel. Zazzo, dans son exposé, mettait l’accent sur « la diversité des écoles » de psychanalyse.
Dans la communication qui suivait celle de Zazzo, le psychanalyste Didier Anzieu employait le terme « psychanalyse » au singulier, comme synonyme de « freudisme ». Dans son exposé, intitulé « Rationalité dans la théorie et dans la pratique de la psychanalyse », il commençait par dire que « tout au long de sa vie, Freud fut un homme profondément rationaliste » (p. 9). Ensuite, il évoquait la psychanalyse jungienne, pour aussitôt la décrier aux yeux des rationalistes auxquels il s’adressait. Il disait : « Freud a été profondément rationaliste. Si l’on doit évoquer la première scission à avoir eu lieu dans le monde psychanalytique, c’est celle qui se produisit entre Freud et Jung. Et il importe de préciser qu’indépendamment de la dévaluation de la sexualité par Jung celui-ci était occultiste, végétarien, mystique. Ce profil — pour rapide qu’il soit — est aux antipodes de celui de Freud et montre suffisamment que Jung était voué à la marginalité par rapport à la psychanalyse conçue comme science » (p. 11).
Cette présentation d’Anzieu est un échantillon typique de la manière dont les freudiens font l’histoire de la psychanalyse. Anzieu sélectionne et interprète des faits de façon à faire croire que Freud a créé une véritable « science » et qu’il en est l’incarnation. Cette présentation hagiographique appelle au moins quatre remarques.
1. La première scission dans la saga freudienne n’est pas l’exclusion de Jung en 1913 mais, deux ans plus tôt,