RABELAIS, Gargantua, chap. LVII, l’abbaye de Thélème (« Comment était réglée la vie des Thélémites », de « Toute leur vie … » à « … premier jour de leurs noces »)

Introduction : L’abbaye de Thélème dans Gargantua.
Rabelais a encadré le récit du Gargantua par deux textes parodiques : chap. 1 et 2, « Fanfreluches antidotées trouvées en un monument antique » et chap. LVIII, Enigme en prophétie » ; il définit par là sans ambiguïté l’une des intentions fondamentales de son écriture.
Conditions d’âge pour être admis parmi les Thélémites : 10 à 15 ans pour les femmes, 12 à 18 pour les hommes (chap. LII) . Thélème est bien plus un lieu d’éducation, un « collège » du XVI° siècle, qu’une abbaye.

I Un humanisme exalté
Lecture habituelle : cette page clame la confiance en l’homme. « Thélème », qui vient d’un mot grec signifiant « volonté naturelle, désir, pulsion », porte la négation ou la condamnation de l’autorité, de la loi. Trois mouvements du texte :
1) Définition du principe de vie des Thélémites (« Toute leur vie …ce que voudras »)
Aux 3 pluriels « lois, statuts ou règles » avec ellipse du déterminant suggérant l’impersonnalité des règlements s’oppose le terme personnalisé « leur », qu’il soit déterminant possessif (« leur vie, leur vouloir et franc arbitre ») ou qu’il soit pronom personnel « leur » (« quand bon leur semblait », « quand le désir leur venait »), le singulier marquant l’individualité de la personne. Les négations répétées (ni … ni ; nul , nul , nul) marquent la condamnation sans appel de toute forme d’autorité.
Règle : « Fais ce que voudras » : les verbes conjugués à la deuxième personne placent au centre de la règle la personne humaine, et « voudras » nie toute connotation coercitive à l’impératif « Fais ».
2) Sa justification ( « parce que gens libères … ce qui nous est dénié »)
Rem. : « aiguillon » est l’antécédent du pronom « lequel (ils nommaient honneur)» .
Antithèse : d’un côté, les « gens libères », de l’autre les « gens déprimés