Histoire du chômage
! Ingrid Liebeskind Sauthier*
Le chômage au sens moderne du terme est construit entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Le concept auquel il donne lieu se constitue juridiquement et statistiquement et débouche sur une nouvelle catégorie sociale. Les préoccupations autour du chômage se traduisent par des normes internationales et des réflexions sur le fonctionnement de l’économie en même temps que la création de l’Organisation internationale du Travail en 1919 et tout au long de l’entre-deux-guerres. La définition du chômage continuera d’évoluer après la Seconde guerre mondiale dans un contexte de quasi plein emploi. La définition dite du BIT, mise en cause depuis quelque temps doit trouver une nouvelle formulation en adéquation avec les transformations de l’emploi.
L
e chômage est l’un des derniers « grands risques sociaux couverts par la sécurité sociale1 ». Cette institutionnalisation tardive ne rend compte ni de la durée de l’élaboration de la notion de chômage moderne, ni du contexte dans lequel le chômeur « involontaire » (personne sans travail, disponible pour travailler, à la recherche d’un travail) a été défini par les réformateurs sociaux de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, celui de la mutation d’un système économique et de ses répercussions. L’Organisation internationale du Travail (OIT) est l’héritière de ces travaux, qu’elle prolonge et intègre durant l’entre-deux guerres, période troublée de grands changements où s’élabore lentement un nouveau mode de relations entre partenaires sociaux : les rapports de force socioéconomiques issus de la guerre et de la grande crise aboutissent à un compromis entre un État plus interventionniste, les syndicats et la grande entreprise appliquant la rationalisation du travail. C’est l’ébauche de la « régulation sociale à trois », conceptualisée notamment par les tenants de la théorie des conventions et de l’école de la régulation qui s’épanouira après