Hé hé
L’élément militaire, sur les cinq heures, grondait autour des apéritifs, liqueurs dont les prix, au moment où j’arrivais, venaient précisément d’être majorés. Une délégation de clients allait solliciter du Gouverneur la prise d’un arrêt pour interdire aux bistrots d’en prendre ainsi à leur aise avec les prix courants de la mominette et du cassis. À entendre certains habitués, notre colonisation devenait de plus en plus pénible à cause de la glace. L’introduction de la glace aux colonies, c’est un fait, avait été le signal de la dévirilisation du colonisateur. Désormais soudé à son apéritif glacé par l’habitude, il devait renoncer, le colonisateur, à dominer le climat par son seul stoïcisme. Les Faidherbe, les Stanley, les Marchand, remarquons-le en passant, ne pensèrent que du bien de la bière, du vin et de l’eau tiède et bourbeuse qu’ils burent pendant des années sans se plaindre. Tout est là. Voilà comment on perd ses colonies.
J’en appris encore bien d’autres à l’abri des palmiers qui prospéraient par contraste d’une sève provocante le long de ces rues aux demeures fragiles. Seule cette crudité de verdure inouïe empêchait l’endroit de ressembler tout à fait à La Garenne-Bezons.
Venue la nuit, la retape indigène battait son plein entre les petits nuages de moustiques besogneux et lestés de fièvre jaune. Un renfort d’éléments soudanais offrait au promeneur tout ce qu’ils avaient de bien sous les pagnes. Pour des prix très raisonnables, on