t état nous ne sommes plus totalement ignorant. Nous avons déjà déchiré le voile de l’inconscience derrière lequel se tient le mental ordinaire, car nous avons reconnu notre ignorance. Et c’est ici que se trouve le second sens de la docte ignorance. Socrate a compris en profondeur, (en anglais on dirait que c’est son insight), que ce que nous appelons communément savoir est très limité. Aucune de nos définitions ne parvient à capturer entièrement ce qu’est la Beauté, ce qu’est l’Amour, ce qu’est la Justice, ce qu’est la Vertu. Dans les termes de son disciple Platon, nous pouvons dire qu’une définition, dans la mesure où elle est relativement pertinente, fait en quelque sorte signe vers la chose même, l’Idée, mais n’apporte pas de justification complète. C’est pourquoi il n’y a rien de choquant à ce que dans les premiers dialogues de Platon, les dialogues dits socratiques, la discussion se termine sans apporter de réponse et reste aporétique. Ce qui importe dans l’investigation philosophique, ce n’est pas tant le fait de clouer le papillon dans la boîte au terme de l’examen, que le mouvement de la recherche qui va, en discriminant entre le vrai et le faux, nous conduit sur le seuil de ce que nous nous cherchons à découvrir.
2) Ainsi s’éclaire le passage de l’Apologie dans lequel est examiné le statut de la sagesse de Socrate. L’Oracle de Delphes avait dit que Socrate était l’homme le plus sage de la Grèce. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Qu’il était le plus grand savant de son époque ? Qu’il était une encyclopédie vivante ? Qu’il savait tout et pouvait enseigner mieux qu’un autre ? Non. Socrate ne prétendait pas en savoir plus qu’un autre, mais plutôt moins. Pour lui, ce qui importe, c’est d’aller vers la vérité de toute son âme et de le faire avec honnêteté, ce qui veut dire que là où je ne sais pas, je n’ai pas non plus la prétention de savoir.
Prenons le texte :
"Lorsque j'eus appris cette réponse de l'oracle, je me mis à réfléchir en